Homélie du Dimanche du Saint Sacrement, du Corps et du Sang du Christ A, 11.06.2023, « Les Cannibales du Christ »

Deutéronome 8,2-3.14b-16a
Psaume 147, (147 b)

1 Corinthiens 10, 16-17

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 51-58

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » La suite de cet évangile nous dit qu’après ce discours de Jésus, beaucoup de ses disciples le quittèrent, estimant ses paroles « dures et inacceptable ». Il n’est pas si sûr que nous aurions fait mieux que ces disciples, si la même réalité nous était donnée à vivre de nos jours. On imagine mal  dans nos communautés dominicales actuelles, un leader qui tiendrait ce genre de discours et qui attendrait une adhésion de notre part sans qu’il ne soit traité de cannibale, état pénalement répréhensible. Ironie ou folie ? Quoiqu’il en soit, le Christ nous entraîne dans la dimension la plus inaccessible par l’entendement humain : manger son Corps et boire son Sang pour avoir la vie éternelle. Et si le mot chrétien signifiait « Cannibale » ?

Ceux  qui savent lire et comprendre les signes des temps, savent aussi qu’entre la manne au désert et le pain de la sainte Cène, il ya deux alliances : celle dans laquelle Dieu se présente à son peuple et à l’humanité entière comme un Père, et celle dans laquelle, par amour, Dieu envoie son Fils Jésus pour sauver cette humanité des dérives qui pourraient la détourner de la Gloire éternelle. C’est justement dans la logique de ces deux alliances que Jésus tient ce discours humainement désagréable, faisant de toute personne qui croit en lui, « un mangeur de son Corps » et « un buveur de son Sang », pour une cause noble, l’accès à la vie éternelle. Les esprits les moins avertis trouveront cela répugnant, car la simple évocation d’une telle idée, suffit à elle seule pour nous éloigner de ce type de repas d’un autre genre. Et pourtant, dans nos célébrations eucharistiques, l’Eglise donne à manger le Corps du Christ et à boire le Sang du Christ, auxquels nous répondons « Amen », c’est-à-dire, oui nous adhérons et nous acceptons. Serait-ce parce qu’il est plus facile de manger du pain et de boire du vin pendant nos eucharisties, plutôt que de manger le Corps du Christ et de boire son Sang ? Eh bien si tel est notre raisonnement, nous avons certainement raison, car le Christ Lui-même savait qu’il ne serait pas facile pour nous de manger son Corps et de boire son Sang. Alors, lors de la dernière Cène, il procéda par une pédagogie, en nous offrant dans ce repas, les éléments accessibles de notre vie quotidienne ; le Pain, facile à trouver chez tous nos pâtissiers et le Vin, facile à trouver dans tous les points de vente et chez tous les vignerons. Cependant, si nous pensons échapper à la réalité du Corps et du Sang du Christ en mangeant le pain de nos pâtissiers et en buvant le vin de nos vignerons, nous sommes les plus à plaindre, car, aucun pâtissier ne vend le Corps du Christ, et aucun vigneron ne vend le Sang du Christ. Dès lors la mise au point de Saint Paul dans la deuxième lecture de ce dimanche est légitime : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ? »  Alors chaque fois que nous répondons « Amen » au Corps et au Sang du Christ, nous assumons notre identité de cannibales du Christ.

Pata  KANGUE, CSSp

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